Tribune interassociative : Recul des droits des personnes trans réfugiées
L’ARDHIS, Acceptess-T, le FLIRT – Front Transfem et Wassla, associations de référence pour la défense des droits des personnes LGBTQI+ exilées en France, dénoncent des reculs des droits des personnes trans réfugiées dus à l’action des services de l’Office français de protection des réfugié·es et apatrides (OFPRA).
Les associations alertent depuis plusieurs mois sur des manquements graves et répétés notamment en matière d’accueil et de traitement de l’état-civil, l’OFPRA tenant lieu de mairie pour les personnes réfugiées.
- L’OFPRA refuse d’accueillir dignement les personnes trans
Nos associations ont été témoins à plusieurs reprises du mauvais traitement réservé par les équipes de l’OFPRA aux personnes trans qui se présentent dans ses locaux. Les agent·es d’accueil et de sécurité de l’OFPRA mégenrent de façon quasi-systématique les personnes transgenres, les qualifiant à voix haute de “Monsieur” ou “Madame” selon leur appréciation et contre les souhaits des personnes concernées, une pratique particulièrement transphobe.
Les personnes trans demandeuses d’asile qui se rendent à l’OFPRA pour exposer, dans le cadre de leur demande de protection, les violences et discriminations vécues dans leur pays d’origine, font donc face à de nouvelles discriminations dans ce lieu. Comment, alors, imaginer qu’elles pourront faire confiance aux agent·es chargé·es de l’examen de leur demande d’asile ? Cet examen se fait donc dans des conditions contraires au devoir de l’OFPRA de traitement équitable des demandes et d’accueil digne de tou·tes les demandeur·euses d’asile.
Malgré plusieurs alertes, l’OFPRA n’a pas souhaité sensibiliser ses agent·es à l’accueil des personnes trans. Cela contraste avec l’engagement de l’OFPRA pour la prise en compte des vulnérabilités des personnes LGBTQI+ et notamment des personnes trans.
- L’OFPRA refuse de rectifier les documents d’état-civil délivrés à Sara*
Sara* est une femme trans. Elle a fui l’Iran en raison de la menace constante qui pesait sur sa vie. Si la législation iranienne lui a permis de modifier son état-civil pour refléter son identité de genre, les conditions de vie des personnes trans y sont particulièrement précaires, faisant l’objet de discriminations et d’une stigmatisation de la part de la société. Cet état de fait est d’ailleurs constaté par l’OFPRA dans sa publication Iran : Situation des minorités sexuelles et de genre (2019).
Sara* a obtenu une protection en raison des violences qu’elle a subies en Iran. Elle a fourni aux services de l’OFPRA son acte de naissance iranien, avec la mention de sexe féminin et de son prénom d’usage. Or, l’OFPRA lui a délivré un acte de naissance portant la mention de sexe masculin et son ancien prénom, qui était pourtant caduc depuis de nombreuses années. Cet acte ne correspond donc aucunement à l’acte original et constitue pour elle un retour en arrière et une violation de ses droits. Il est particulièrement absurde et injuste de constater que l’État iranien était en mesure de garantir une meilleure situation administrative à Sara* que ne le fait la France, par le biais de l’OFPRA. Alors que l’OFPRA a reconnu qu’il s’agissait là d’une erreur, il n’a pourtant pas souhaité la rectifier.
Les personnes trans dans cette situation risquent de plus de se voir délivrer par la préfecture un titre de séjour portant la mention de leur ancien prénom et du sexe assigné à la naissance. En plus de la violence manifeste que cela représente, une demande ultérieure de modification du titre coûte alors 225 €, somme dont l’immense majorité des personnes ne dispose pas. Cela équivaut à imposer une taxe financière aux seules personnes trans réfugiées, une discrimination d’autant plus injuste que ces personnes sont précarisées par les nombreuses discriminations qu’elles subissent sur le territoire français.
La situation de Sara* n’est pas unique. Nous attendons donc de l’OFPRA, outre un traitement rapide de son cas, la formation de ses agent·es d’état-civil et la formalisation des procédures de traitement de l’état-civil des personnes trans, pour qui cela revêt un enjeu spécifique.
- L’OFPRA impose des délais d’attente exponentiels aux personnes trans réfugiées
Les délais d’attente pour la réception des actes d’état-civil émis par l’OFPRA ont explosé pour l’ensemble des demandeur·euses d’asile, allant maintenant jusqu’à plus d’un an. Si le dysfonctionnement des services d’état-civil de l’OFPRA touche tous les demandeur·euses d’asile, un dysfonctionnement spécifique frappe les personnes trans réfugiées, constituant pour elles une double peine.
Hanane*, femme trans égyptienne, est réfugiée en France depuis le printemps 2022. Elle a déposé sa demande de changement de prénom à l’OFPRA, comme le prévoit la législation, en juin 2022. En juin 2023, l’OFPRA lui a répondu par courrier en lui conseillant de se tourner vers la mairie de son domicile pour cette demande, lui précisant toutefois que si elle souhaitait poursuivre cette démarche auprès de l’OFPRA, il lui faudrait confirmer cette demande par l’envoi d’un nouveau courrier.
L’OFPRA impose donc une double confirmation aux personnes trans réfugiées avant de traiter leur demande légitime de changement de prénom. Nous demandons à l’OFPRA de prendre en compte le seul envoi du formulaire de demande de changement de prénom pour le traitement de ces demandes.
Nous recommandons également de permettre aux personnes trans réfugiées de faire changer le marqueur de genre en même temps que le prénom, lors de l’établissement de l’état-civil par l’OFPRA. Actuellement, le changement du marqueur de genre n’est possible qu’une fois la protection internationale obtenue, à l’issue d’une procédure juridique devant le tribunal de Paris. Cette obligation retarde considérablement les démarches des personnes trans réfugiées, qui doivent attendre l’issue de leur demande d’asile, la délivrance des actes d’état-civil par l’OFPRA et l’issue de la procédure devant le tribunal pour obtenir la rectification complète de leurs documents.
Le projet de loi “pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration” en cours de discussion va gravement compromettre les droits et conditions de vie des personnes LGBTQI+ exposées à des persécutions dans leur pays d’origine. Dans le cadre de ce projet, nous demandons a minima la prise en compte des besoins des personnes LGBTQI+ exilées et notamment des personnes trans, afin de ne pas précariser davantage des personnes déjà stigmatisées et discriminées.
*Les prénoms ont été modifiés.
Contact presse : laura@ardhis.org