Histoire de l’Ardhis

Association pour la défense des droits des personnes LGBTQI+ à l'immigration et au séjour

Depuis 1998, l’Ardhis accompagne les demandeur·se·s d’asile, les étranger·e·s, les exilé·e·s et les couples binationaux et étrangers LGBTI dans leurs démarches administratives et sociales.

Il s’agit là d’une histoire riche de luttes, écrite au gré des évolutions législatives que nous avons tenté d’accompagner lorsqu’elles étaient (rarement) favorables et contre lesquelles nous nous sommes érigé·e·s, aux côtés d’autres associations, lorsqu’elles nous semblaient bafouer les droits les plus élémentaires des personnes à circuler pour trouver refuge ou pour aimer ailleurs que dans leurs pays.

21 mars 1998. Les débats autour de ce qui ne porte pas encore le nom de pacte civil de solidarité (Pacs) battent leur plein. C’est dans ce contexte – et parce qu’aucune solution pérenne ne permet de régularisation au nom de la « vie privée et familiale » (VPF) des étranger·e·s en couple de même sexe avec des Français·e·s – qu’un premier collectif voit le jour sous l’impulsion de Lionel Povert dont K., le compagnon, est menacé d’expulsion. Ce Collectif de soutien aux homos sans-papiers (CSHSP), qui rassemble des étranger·e·s LGBTI, leurs amant·e·s et des soutiens, publie un manifeste : « Nous voulons vivre au grand jour ». Au cours des mois suivants, de nombreux articles de presse spécialisée LGBT ou généraliste, relaient la création et les missions du CSHSP puis de l’Ardhis.

4 avril 1998. Le CSHSP participe à une manifestation de soutien aux sans-papiers.

20 juin 1998. À l’occasion de la Lesbian and Gay Pride parisienne – ancêtre de la marche des Fiertés –, le CSHSP distribue un tract interpellant le premier ministre d’alors : « Lettre ouverte à M. Jospin qui ne veut pas savoir pourquoi nos ami·e·s et nos amant·e·s sont sans-papiers ! ». Y sont revendiqués l’accès de chacun·e au Pacs, quelle que soit la nationalité, avec la personne de son choix et donc, à ce titre, la possibilité d’obtenir une carte de séjour.

7 juillet 1998. Les statuts de l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles* à l’immigration et au séjour (Ardhis) sont déposés en préfecture. L’objet en est alors « d’entreprendre des actions concrètes, sociales, culturelles, éducatives et politiques visant à lutter contre toutes les formes de discriminations dont sont victimes les personnes homosexuelles et transsexuelles en France et en Europe et à faire reconnaître leurs droits, notamment en matière d’immigration et de séjour. » Lionel Povert en est le premier président.

Août 1998. L’Ardhis est reçue au ministère de l’Intérieur.

Septembre 1998. Les premières réunions publiques de l’Ardhis sont organisées pour accueillir et accompagner des couples binationaux de même sexe, mais également des exilé·e·s craignant pour leur vie et venu·e·s se réfugier en France.

29 septembre 1998. Dans Libération, Lionel Povert lance un appel : « Homos et sans-papiers : le règne de l’arbitraire ».

Fin 1998. Quelques membres obtiennent – non sans difficulté – une régularisation de leur situation.
Concernant le Pacs, trois grandes revendications sont formulées : droit au séjour pour les étranger·e·s pacsé·e·s, et ce, dès la signature du Pacs ; possibilité pour les étranger·e·s entré·e·s irrégulièrement sur le territoire d’accéder au Pacs ; et possibilité pour les étranger·e·s de contracter un Pacs avec un·e étranger·e résidant régulièrement en France.
Parallèlement, l’Ardhis s’investit auprès de l’Office français de protection des réfugié·e·s et apatrides (Ofpra) et de la Commission de recours des réfugiés (qui deviendra la Cour nationale du droit d’asile, ou CNDA, en 2007). Une personne transgenre algérienne est le·a premier·e LGBTI à obtenir le statut de réfugié·e.

1999. Gilles Dowek devient président de l’Ardhis.

15 novembre 1999. La loi no 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité est promulguée. Dans le texte, et concernant le droit au séjour, le Pacs devient un « élément d’appréciation des liens personnels en France », à la différence du mariage qui ouvre de plein droit au séjour. Dans la pratique, les préfectures demandent aux pacsé·e·s de prouver au moins trois années de vie commune avec leur partenaire français·e. La durée s’élève à cinq années s’il s’agit d’un·e partenaire étranger·e régulièrement établi·e en France.

2000. Guillermo Rodriguez devient président de l’Ardhis.

Été 2001. L’Ardhis anime des ateliers sur les réfugié·e·s LGBTI aux Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités de Marseille, aux côtés d’organisations comme Amnesty International ou la Ligue des droits de l’Homme.

2002. Florence d’Azemar devient présidente de l’Ardhis.

4 avril 2002. L’Ardhis obtient du ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant la réduction à un an de la durée de vie commune nécessaire pour l’accès au séjour des étranger·e·s pacsé·e·s. Mais la portée réglementaire de ce texte – un simple télégramme adressé aux préfet·e·s – étant faible, les bénévoles de l’Ardhis sont souvent contraint·e·s d’accompagner les usager·e·s de l’association dans les préfectures.

2003. Frédéric Landtsheere devient président de l’Ardhis.

2004. Hugues Drappier devient président de l’Ardhis.

30 octobre 2004. La circulaire émise par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, dite « circulaire Villepin », reconnaît l’Ardhis comme interlocutrice légitime des administrations sur l’accompagnement des partenaires étranger·e·s LGBTI.

2005. Les personnes LGBTI sont reconnues comme un « groupe social » (selon les termes de la Convention de Genève). Cette reconnaissance leur permet de demander l’asile au motif de persécutions liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre dans leurs pays d’origine. Dès lors, le nombre de personnes accompagnées par l’Ardhis dans leurs démarches de demande d’asile ne cesse d’augmenter.

2007. Thomas Fouquet-Lapar devient président de l’Ardhis. Il le restera jusqu’en 2011.

2009. Pour faire face à la demande croissante d’aide aux demandeur·se·s d’asile, un pôle Asile est créé pour un accompagnement plus efficace. Environ 80 demandeur·se·s d’asile sont accompagné·e·s cette année-là. À titre de comparaison, il·elle·s sont plus de 700 en 2017.

2012. Philippe Colomb devient président de l’Ardhis. Il le reste jusqu’en 2016.

17 mai 2013. Vote de la loi no 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Sont pourtant initialement privé·e·s de ce droit les ressortissant·e·s de onze pays avec lesquels la France a signé des conventions bilatérales (Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Tunisie, Algérie, Laos, Cambodge).

19 juillet 2013. Entrée en vigueur du règlement européen Dublin III qui prévoit un mécanisme de désignation du pays responsable de la demande d’asile de la personne, sans jamais prendre en considération son souhait. Si le mécanisme tient compte de la famille du ou de la demandeur·se, la définition est trop restrictive pour bien prendre en considération les situations des personnes LGBTI en couple.

Mars 2014. Naissance de l’Ardhis Football Club, une équipe constituée de demandeurs d’asile et de réfugiés.

29 juillet 2015. Une nouvelle loi Asile est promulguée. Transposition des directives européennes de 2013, elle introduit la prise en compte de la vulnérabilité dans le traitement de la demande et autorise les demandeur·se·s d’asile à se faire accompagner aux entretiens Ofpra par un·e avocat·e ou un·e tiers représentant une association.

Novembre 2015. L’Ofpra habilite l’Ardhis à désigner des bénévoles autorisé·e·s à assister, en tant que « tiers », aux entretiens des demandeur·se·s d’asile.

26 mars 2016. Frédéric Chaumont devient président de l’Ardhis.

5 août 2016. À la suite des mobilisations inter-associatives, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, supprime l’exception qui rendait impossible le mariage pour les LGBTI de onze pays avec lesquels la France avait signé une convention. Désormais, les ressortissant·e·s de tous les pays ont la possibilité de conclure en France un mariage avec une personne de même sexe.

25 mars 2018. Ewa Maizoué et Thierry Moulin deviennent co-président·e·s de l’Ardhis.

15 avril 2018. Comme à chaque proposition de loi concernant l’asile, l’Ardhis fait entendre sa voix. Elle manifeste, aux côtés du jeune Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrant·e·s (Baam), contre le projet de nouvelle loi asile.

Août 2018. De nombreux·ses athlètes issus des rangs de l’Ardhis participent aux Gay Games de Paris.

10 septembre 2018. Dans un contexte européen d’accueil dégradé des exilé·e·s, la nouvelle loi Asile et immigration est votée. De l’avis de toutes les associations travaillant sur la question, cette loi portée par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb constitue une régression considérable. L’Ardhis dénonce une mesure hypocrite qui consiste à tenir compte de l’orientation sexuelle dans l’établissement d’une liste de pays dits sûrs, tout en restreignant le droit au recours pour les demandeur·se·s d’asile qui en sont originaires.

3 novembre 2018. Avec le soutien de la Mairie de Paris, l’Ardhis fête ses 20 ans à la Gaîté lyrique lors d’un événement militant et festif « Fiertés en Exil ».

Décembre 2018. Publication du rapport annuel « Discriminations » de l’association Aides, avec la contribution de l’Ardhis, sur la question de la demande d’asile des personnes LGBTI.

7 avril 2019. Aude Le Moullec-Rieu devient présidente de l’Ardhis.

Mai 2019. Publication de « Des amours, cent frontières », l’enquête sur les parcours de vie des étranger·e·s LGBTI en couples binationaux ou étrangers accompagnés par l’Ardhis, initiée en octobre 2017.

Juin 2019. L’Ardhis saisit le conseil d’administration de l’Ofpra et réclame la suppression de la liste des pays d’origine sûrs. Pour appuyer sa demande, l’association fournit une revue de littérature : « Des pays sûrs ? Mais pour qui exactement ? ».

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* Le terme « transsexuel » a peu à peu cédé sa place au terme « trans » dans les communications de l’association, et le changement a été officialisé en préfecture en 2020.