[ Tribune collective ] 10 ans de non-accueil des personnes exilées à Paris et en France

Association pour la défense des droits des personnes LGBTQI+ à l'immigration et au séjour

[ Tribune collective ] 10 ans de non-accueil des personnes exilées à Paris et en France

Cette tribune collective a été publiée dans le Monde du 3 février 2025.

Mr le Président, il est urgent de résoudre 10 ans d’une situation intenable : celle du non-accueil et de la violence institutionnelle envers les personnes exilées. En 2015, le nombre de personnes venues demander l’asile en Europe augmente. Cette situation, rendue visible à Paris par l’installation de centaines puis de milliers de personnes dans des campements de rue, est qualifiée de « crise migratoire ». Une appellation que nous rejetons, constatant quotidiennement sur le terrain que c’est le système d’accueil qui est en crise. Pour les familles, enfants, femmes et hommes qui survivent dans ces lieux de vie informels, les conditions de vie sont délétères pour leur santé physique et psychique et parfois fatales.

Bien que très visible à Paris, cette situation a des répercussions nationales : le cycle infernal de démantèlements de ces campements et d’opérations de « mises à l’abri », s’accompagne de la délocalisation en bus de ces personnes vers d’autres régions, la plupart du temps sans concertation avec elles. Elles subissent alors une perte de repères, de ressources et d’opportunités dans un contexte déjà précaire d’hypermobilité. Par ailleurs, Paris est souvent un lieu d’étape avant le littoral des Hauts-de-France où les atteintes aux droits fondamentaux sont innombrables et mortifères.

Un état de fait intolérable, auquel vous disiez précisément souhaiter mettre un terme lorsque vous déclariez, le 27 juillet 2017 : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus ».

Cette situation de non-accueil, c’est aussi 10 ans de victoire idéologique de l’extrême-droite, car elle est pensée structurellement pour éviter un supposé « appel d’air ». Cette théorie infondée, largement infirmée depuis des années par les chercheur·es qui travaillent sur ces questions, propose une lecture erronée des dynamiques de l’exil consistant à croire que l’on fuirait les persécutions et la pauvreté non pas en dernière mesure pour se sauver, mais plutôt pour venir profiter à Paris d’une place d’hébergement ou de minimas sociaux. Les équipes gouvernementales successives ont ainsi appliqué une politique de non-accueil systématique et fait de la vie des primo-arrivant·es un enfer. Le passage par la case sans-abrisme est devenue à leurs yeux obligatoire pour supposément dissuader de venir, ou de rester, toutes celles et ceux qui viennent demander une protection dans notre pays.

Ces 10 dernières années ont été marquées par la maltraitance des personnes exilées à Paris et en Île-de-France. Diverses modalités de gestion de l’enregistrement des personnes ont été expérimentées : des files d’attente interminables devant des dispositifs sous-dimensionnés, notamment durant l’épisode de la « Bulle humanitaire » à Porte de la Chapelle ; la dématérialisation du guichet de demande d’asile, devenu un numéro de téléphone payant en 2017, et qui participe à l’invisibilisation des personnes exilées des espaces publics sans pour autant faciliter leur accès aux dispositifs et à leurs droits. L’encampement des personnes exilées se traduit par l’existence de nombreux lieux de vie informels et notamment de campements regroupant parfois jusqu’à 4000 personnes à Paris et en petite couronne. Les nombreuses tentatives des autorités de mettre fin à ce phénomène par une politique de « zéro points de fixation » se sont matérialisées par des scènes de violences répétées lors et suite aux démantèlements de ces lieux de vie. A l’instar du nettoyage social organisé à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), la réponse politique a toujours été plus policière qu’humanitaire, dévoyant l’usage initial prévu du service public policier et faisant des expulsions et du harcèlement par les forces de l’ordre, l’une des conditions structurelles du quotidien des personnes exilées à Paris. COCORENS ( Collectif pour la Coopération Nord-Sud
Mais cette décennie a aussi été marquée par plusieurs épisodes de prises en charge d’ampleur ; pendant la pandémie de la Covid-19 en mars 2020, lors de l’arrivée des 3000 Afghan·es qui fuyaient la prise de Kaboul par les talibans en août 2021, ou à l’occasion de l’accueil inconditionnel des Ukrainien·nes dès le mois de mars 2022.

Ce choix structurel du non-accueil et donc du renforcement du sans-abrisme dans notre pays et de son traitement partiel et très court-termiste dans une urgence perpétuelle, légitimée par l’emploi du terme de « crise », semble être la méthode préfectorale envisagée pour encore de nombreuses années. En effet, depuis 2015, les préfectures d’Île-de-France ont organisé à minima 405 opérations de « mise à l’abri » de ces campements. Pourtant, dans une France qui se disait « prête à accueillir le monde » pour ces JOP et qui a vu lors de la cérémonie d’ouverture Filippo Grandi le Haut-Commissaire des Nations Unis pour les réfugiés recevoir les Lauriers olympiques, les campements et la rue restent le seul recours pour les futur·es arrivant·es.

Il y a urgence à mettre un terme à 10 ans de non-respect des droits humains et de nos engagements en droit international. Pour cela de nombreuses solutions existent : ouvrir des dispositifs de premier accueil inconditionnels à Paris et dans d’autres villes d’arrivée, calqués sur ceux prévus pour les Ukrainien·nes. Réquisitionner des bâtiments vides pour agrandir le parc de logement et d’hébergement au niveau national. Et enfin, mettre des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins, afin de faciliter l’insertion dans la société des personnes exilées dès leur arrivée, en rendant effectif leur accès au marché du travail, à des cours de français, à un logement digne et à un réel accompagnement social et sanitaire.

5 février 2025

Liste des 124 signataires :

  1. 100 pour 1 (Morlaix, Vaucluse, pays roannais)
  2. ACAT (La Rochelle, Royan)
  3. Acceptess-T
  4. Action contre la Faim
  5. Act up Paris
  6. AJMMI
  7. ANTANAK
  8. ANVITA (Association nationale des villes et territoires accueillants)
  9. ARDHIS
  10. Assocation SOLIPAM
  11. Association
  12. Association Accueil Réfugiés Bruz (35)
  13. Association Addictions France
  14. Association ASILE
  15. Association d’Accueil des Demandeurs d’Asile de Mulhouse
  16. Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
  17. Association Ecarts
  18. Association française des juristes démocrates
  19. Association Le Chêne et l’Hibiscus »
  20. Association les Enfants du Canal
  21. Association Les midis du MIE
  22. association Min’de Rien (soutien aux jeunes étrangers isolés)
  23. Association pour les MIgrants (AMI)
  24. ASTI de Petit -Quevilly
  25. ASTI Les Ulis
  26. ATD Quart Monde
  27. ATPAC Maison Solidaie
  28. ATTAC Flandre
  29. Autremonde
  30. Babel
  31. CAJMA22 – Collectif d’Aide aux Jeunes Migrants et leurs Accompagnants des Côtes d’Armor
  32. Calais Food Collective
  33. CCFD Terre Solidaire 93
  34. CDDLE de Besançon (Collectif de Dédfense des Droits et Libertés des Étrangers)
  35. Cévennes Terre d’Accueil
  36. COCORENS (Collectif pour la Coopération Nord-Sud)
  37. Collectif Antiraciste Antifasciste de Rouen et agglo (CAAR)
  38. Collectif des étudiants étrangers P8
  39. Collectif des sans papiers de livry gargan
  40. Collectif enfants sans toit Ivry
  41. Collectif Fontenay-Diversité
  42. Collectif Ivryen de Vigilance Contre le Racisme
  43. collectif le PONT Martigues 13
  44. Collectif Migrants 17
  45. Collectif Migrants 83
  46. collectif pontois
  47. COMEDE- comité pour la santé des exilé.e.s
  48. Comité anti Expulsion Saintes
  49. Comité Contre l’Esclavage Moderne (CCEM)
  50. Comité Soutien Urgences
  51. Commission Prévention, Sécurité & Tranquillité publique des Écologistes
  52. Coucou Crew
  53. CSMG (asso : Collectif de Soutien aux Migrants du Goëlo)
  54. CSSP du Tregor
  55. DAL (Droit Au Logement)
  56. Dom’Asile
  57. Echo des restanques
  58. ECREVIS
  59. Emmaüs France
  60. Extinction Rebellion France
  61. Ezras Inclusion
  62. Famille France-Humanité
  63. Fédération Addiction
  64. FEDERATION DES TUNISIENS POUR UNE CITOYENNTE DES DEUX RIVES – FTCR
  65. FÉDÉRATION ETORKINEKIN DIAKITÉ
  66. FÉDÉRATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSÉE
  67. Femmes Égalité
  68. Fondation Frantz Fanon
  69. FSU
  70. GISTI
  71. Habitat-Cité
  72. Héro·ïnes 95
  73. Humanity Diaspo
  74. JRS France (service jésuite des réfugiés)
  75. Kolone
  76. La Casa Paris
  77. La Chorba
  78. La Cimade
  79. La Cité Fertile
  80. La Cloche
  81. La Gamelle de Jaurès
  82. La Relève Féministe
  83. L’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie -L’ACORT
  84. L’Assiette Migrante
  85. Le CAD
  86. Le Planning familial
  87. Les Pétrolettes
  88. LIMBO
  89. LIRIDONA ( RESF 48 )
  90. Maison de l’Hospitalité Martigues
  91. Maison Sésame
  92. Maison Solitaire
  93. Médecins du monde
  94. Médecins sans frontières
  95. Morlaix-Libertés
  96. Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN)
  97. MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples)
  98. Pantin Solidaire
  99. Paréidolie
  100. Paris d’Exil
  101. Q.U.E.E.R. Auvergne
  102. Réfugiés Bienvenue
  103. Réseau Education Sans Frontières (06, 07 et 54)
  104. Réseau Féministe « Ruptures »
  105. réseau resf06
  106. ROSMERTA
  107. Secours catholique – Caritas France (Ile-de-France)
  108. Sillat France
  109. SOLIDARITE JEAN MERLIN
  110. STRASS, syndicat du travail sexuel
  111. Symphonie Equitable
  112. Tendre La Main
  113. THE WILSON BARBERS
  114. THOT
  115. Time To Help France
  116. TIMMY – Soutien aux Jeunes Exilés
  117. Tous Migrants
  118. Ubuntu pour La Margelle
  119. UNEF, le syndicat étudiant
  120. Union syndicale Solidaires
  121. UniR Universités & Réfugié.e.s
  122. Utopia 56
  123. Watizat
  124. Yoga and Sport With Refugees