[CP] Pacte européen sur l’asile et la migration : l’Union européenne enterre le droit d’asile et la protection des personnes LGBTI+ persécutées
Le 10 avril 2024, les eurodéputé·e·s ont voté l’adoption d’une série de mesures réformant l’accueil des personnes exilées sur le territoire de l’Union européenne. Ce pacte européen – dont la première ébauche avait été présentée en 2020, au lendemain du dramatique incendie du camp de Moria sur l’île de Lesbos – accentue les logiques répressives et laisse présager toujours plus de violences et d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes en déplacement vers l’Europe. Il constitue un détricotage de la Convention de Genève et de ses grands principes, notamment l’examen individuel de toutes les demandes d’asile et le principe de non-refoulement, c’est-à-dire d’examen systématique des demandes de protection formulées par des personnes qui se présentent à ses frontières.
Avec une vision utilitariste et gestionnaire de la migration, le pacte propose principalement l’intensification de l’externalisation des politiques migratoires européennes, le tri systématique aux frontières, le fichage généralisé et le contrôle de la mobilité – notamment par l’enfermement.
Parmi les dispositions les plus inquiétantes, le règlement “filtrage” concerne toute personne tentant d’entrer de façon dite irrégulière sur le territoire européen. Ainsi, seule une minorité de personnes sera autorisée à entrer sur le territoire de l’Union afin de déposer une demande d’asile. La majorité sera enfermée dans des camps aux portes de l’Union, considérés comme extra-européens par fiction juridique, pendant l’examen accéléré de leur demande ou l’attente de leur expulsion.
Les personnes provenant de pays avec de faibles taux de protection, dont sont originaires la majorité des personnes suivies par l’Ardhis, seront d’office orientées vers cette procédure à la frontière. Depuis longtemps, l’Ardhis défend l’idée que l’exemple des personnes LGBTI+ montre bien qu’aucun pays ne peut être considéré comme sûr.
Les personnes LGBTI+ seront alors poussées à dévoiler leur identité de genre ou leur orientation sexuelle à l’arrivée ; il est peu probable qu’elles y parviennent compte tenu de leur parcours traumatique et des conditions d’entretien dans ces installations frontalières (courts délais, promiscuité, confidentialité non garantie, gêne…). Les personnes déjà marginalisées dans la société seront plus susceptibles de souffrir de discriminations ou de violences LGBTphobes dans de tels lieux d’enfermement. Plus grave encore, les personnes ayant transité par des pays tiers considérés comme sûrs pourraient y être renvoyées, à l’image de ce que le Royaume-Uni tente de faire en externalisant son système d’asile au Rwanda, où il est impossible de vivre son orientation sexuelle ou son identité de genre *.
De fait, les personnes LGBTI+ sont totalement absentes des considérations du pacte qui mise sur une rationalisation et une accélération des procédures, au détriment de leurs besoins spécifiques en termes d’accueil et d’accompagnement.
À rebours des principes de la Convention de Genève de 1951, l’appréciation individuelle des craintes est remplacée par un système de tri par nationalité, tout en mettant en œuvre encore plus de moyens pour que les pays du Sud entravent les mobilités et coopèrent pour faciliter les retours forcés.
L’Ardhis s’alarme de cette désindividualisation du droit d’asile et de ses conséquences spécifiques sur les personnes LGBTI+ en migration.
L’Ardhis appelle à se mobiliser en solidarité avec tou·te·s les personnes en migration qui tentent de fuir les persécutions et de vivre dignement et en sécurité.
Contact : presidence[@]ardhis.org
*https://microrainbow.org/lgbtqi-people-seeking-safety-cannot-be-sent-to-rwanda/