PACS : des droits au rabais pour les partenaires étranger·ère·s
Tribune. Avant l’adoption du pacs en 1999, une personne étrangère en couple binational avec une personne de même sexe ne pouvait espérer être régularisée au titre de son couple – celui-ci n’ayant aucune existence légale. Créé l’année précédente, le collectif des homos sans papiers militait pour la création d’une union civile sans condition de nationalité, ouvrant des droits au séjour.
Les avancées indéniables apportées par le pacs puis le mariage en 2013 (1) semblaient rendre compte de la volonté du législateur de saisir la diversité des engagements qui peuvent exister au sein d’un couple, en proposant différents types d’unions : concubinage, union civile et union matrimoniale. En pratique, le pacs est pensé comme un mariage au rabais et les partenaires qui font ce choix comme des sous-couples. En effet, contrairement au mariage, la conclusion d’un pacs n’apporte aucune réelle garantie légale aux partenaires pour l’entrée et le séjour sur le territoire français : ils relèvent d’une catégorie «fourre-tout» du droit commun. Ainsi, il n’existe pas de visa long séjour délivré de plein droit aux partenaires étranger·ère·s : ils·elles doivent s’en remettre à la discrétion des consulats, qui leur accorderont au mieux un visa «visiteur», sans droit de travail et d’une durée allant de quatre-vingt-dix jours à un an. Pire encore, l’arbitraire préside aux conditions d’octroi des titres de séjour par les préfectures (2) – les conditions variant ainsi selon les préfet·e·s. Les couples pacsés n’ont pas les mêmes chances d’obtenir un titre de séjour, qu’ils soient à Paris ou en province, ce qui crée de véritables fractures de droits sur le territoire français. Cette pratique a d’ailleurs été épinglée récemment par le Défenseur des droits, saisi du cas de la préfecture de police de Paris dont les conditions imposées reviennent à confiner la personne étrangère dans l’irrégularité et la précarité pendant plusieurs années.
Par leur refus délibéré de légiférer et d’introduire dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) des droits propres aux personnes pacsé·e·s, les pouvoirs publics créent une injonction au mariage. Les couples binationaux ou étrangers de même sexe n’ont souvent d’autre choix que de se marier afin de pouvoir construire leur vie commune. C’est donc dénier à ces couples le droit de choisir librement le type d’union le plus en accord avec leur projet, alors même que le pacs est, pour les couples de même sexe, la forme d’union la plus plébiscitée (3).
Deux décennies après sa naissance, le pacs demeure le lieu d’un combat brûlant. Il doit permettre au·à la partenaire étranger·ère au sein d’un couple binational de jouir de ses droits fondamentaux à l’entrée, au travail et au séjour en France. La situation actuelle, qui organise la dilution de tous les types d’union dans le mariage – qui est la seule union avalisée par l’Etat – n’est pas acceptable : c’est une atteinte intolérable à la liberté des personnes à s’unir selon leur souhait.
(1) 17 mai 2013 : vote de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
(2) Selon la circulaire n°NOR/INT/D/04/00134/C du 30 octobre 2004, une durée de vie commune d’un an du couple pacsé est nécessaire à l’obtention d’un titre de séjour «vie privée et familiale» (VPF). Les autres éléments d’appréciation sont à la discrétion des préfet·e·s.
(3) Données Insee 2017. 7 336 pacs de conclus en 2017 contre 7 244 mariages pour les couples de même sexe.
Lire la tribune sur Libération.fr : https://www.liberation.fr/debats/2019/10/13/pacs-des-droits-au-rabais-pour-les-partenaires-etrangereres_1757342