17 mai – Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie

Association pour la défense des droits des personnes LGBTQI+ à l'immigration et au séjour

17 mai – Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie

Toutes les manifestations publiques ayant été déprogrammées, l’Ardhis publie le récit de Mamadou*, jeune Sénégalais de 23 ans, qui témoigne de la situation des homosexuels dans son pays.

Rappelons que le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a délibérément choisi de maintenir le Sénégal dans la liste des pays sûrs


Je m’appelle Mamadou, j’ai 23 ans. Je suis né au Sénégal, à Thiès, dans une famille très religieuse. Mon père était imam. Parler d’homosexualité, c’était quelque chose d’inimaginable, c’était totalement tabou.

Radosław Botev

Quand j’avais 18 ans, j’ai rencontré Pape. Pape avait à peu près mon âge. On est vite tombé amoureux l’un de l’autre. Je me sentais bien avec lui, j’aimais être avec lui, on a vécu plein de choses ensemble. Je l’aimais. Ma relation avec Pape a duré jusqu’à mon départ du Sénégal.

À Thiès, ma chambre était un peu séparée du reste de la maison où vivait ma famille ; donc on pouvait se voir facilement, Pape et moi, dans ma chambre.

Le seul membre de ma famille qui semblait avoir quelques soupçons sur ma relation avec Pape, c’était Aziz, un des frères de ma maman. Aziz m’a dit une fois que je ressemblais à un « pédé » (« borom niary tour » : « tu as deux noms/genres »).

Mais un jour en 2017, mon frère m’a surpris avec Pape dans ma chambre, et c’est là que ma vie a basculé. Quand mon père est rentré à la maison, ma mère lui a tout raconté ; mon père ne pouvait pas y croire, il a dit qu’il n’aurait jamais pu imaginer que je pouvais avoir ce mauvais esprit dans la tête. Il m’a giflé très fort, à droite puis à gauche. C’était tellement fort que depuis, j’ai des séquelles, je suis sourd d’une oreille. Puis mon père s’en est pris à ma mère : « Ça s’est produit chez moi des années sans que je le sache, alors que c’est à toi que j’ai confié la maison ! » Et mon père s’est mis à tabasser ma mère, il disait que ma mère était complice avec moi. Il lui a fait très mal au bras. J’étais par terre devant la chambre de mon père où il était en train de battre ma mère. Et ensuite tous les voisins sont venus, à cause des cris poussés par ma mère.

Ensuite, mon père et mon oncle m’ont battu très fort avec un câble, puis après, ils m’ont attaché les mains et les pieds pour que je ne puisse pas m’enfuir ; ils me disaient qu’ils allaient m’emmener à la police. Le lendemain matin, mon père et mon oncle m’ont effectivement emmené à la police. Mon père leur a expliqué le problème. Les policiers ont décidé de me garder au poste de police, ils ont dit qu’ils allaient mener une enquête, et qu’il y aurait une amende de 1 million à 1,5 million de francs CFA à payer si j’étais coupable. Je suis resté trois jours, et le quatrième jour, ils m’ont jeté dehors.  

C’est à ce moment-là que j’ai décidé de quitter le Sénégal.

Je ne pouvais pas imaginer continuer à vivre ici.

J’ai fait un long voyage à travers le Mali, le Niger, la Libye. J’ai traversé la Méditerranée sur un Zodiac et je suis arrivé en Italie. En France, j’ai voulu déposer une demande d’asile, mais comme j’étais arrivé en Europe par l’Italie, j’ai d’abord été placé en procédure Dublin : la France refusait d’examiner ma demande et voulait que je retourne en Italie ; mais moi, je voulais rester en France : je parle français et j’aime ce pays. Alors j’ai dû attendre un an et demi en France, avant de pouvoir être autorisé à enfin pouvoir déposer une demande d’asile. Mais quand cela a été possible, j’ai été mis en procédure accélérée, qui est une procédure moins favorable, parce que je suis sénégalais et que pour l’État français, le Sénégal est censé être un pays « sûr ». Mais en tant qu’homosexuel, je ne suis pas du tout en sûreté là-bas, c’est que j’essaierai de leur expliquer quand j’aurai mon entretien à l’Ofpra.

Depuis que je suis arrivé en Europe, je parle parfois à ma maman. Au début, quand je l’appelais d’Italie, elle refusait de me parler. Ça me rendait triste. Maintenant, elle accepte de me parler, mais elle me parle des problèmes qu’elle a avec mon père à cause de moi, car il la rend responsable de tout ce qui est arrivé. Je me dis que tout cela, c’est à cause de moi, que je suis responsable des malheurs de ma maman et ça me rend encore plus triste.

Retourner au Sénégal, c’est quelque chose que je ne peux même pas imaginer. Mon père risquerait de me tuer s’il me retrouvait. Je ne pourrais jamais vivre au grand jour mon homosexualité, il faudrait que je me cache en permanence. Ce ne serait pas une vie.


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* Tous les prénoms et noms de lieux ont été modifés.